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REVUE

DES

DEUX MONDES.

TOME I. l*' JANVIBR 1854, ' I

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HISTOIRE BIOGRAPHIQUE

ET CRITIQUE

DE LA LITTÉRATURE

ANGLAISE

GBfQUAltVB AMI*.

CINQUIÈIIE PARTIE. LES HISTORIENS.

Depais cinquante ans, un grand nombre d'écrivains anglais se sont oc- cupés de travaux historiques; quelques-uns d'entre eux ont ferft preuve de beaucoup d'originalité et de talent. En général, on trouve dans leurs cBuvres plus d'étude et de recherches que de grandeur et de dignité^ moins de vigueur et de concision que d'analyse détaillée et de talent pitto- resque pour reproduire les inddens secondaires et les nuances des carac- tères (2). La concentration et l'énergie du style , Télévation des pensées ,

(i) Voyez les quatre dernières lÎTraisons de la deuxième série.

(i) Il est difficile de concilier ce reproche avec les éloges contradictoires que M. Ciuiningham accorde quelques lignes plus bas k Southey, àlingard, et à d*au- très encore. Le temps des monographies et des histoires spéciales ne doit-il pas

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n R£VUE DBS DEUX MONDES.

leur manquent souvent. Ils ont traité beaucoup de sujets, et quelque- fois d'une manière intéressante ; mais , quels que soient la variété , l'utilité , même le diarme de leurs récits , on peut leur reprocher de ne s'être pas placés, en général , à un point de vue assez haut , d'avoir fidt des mono- graphies, d'avoir découpé l'histoire par menus fragmens, d'avoir n^igé reiiseml|e,ld'avoiF morcelé lésgrf ndes f ue$UôQ& |JfNslpii« 4'iiie expé- dition ou celle d'une colonie leur suffisent; ils ne s'embarrassent pas de la destinée d'un peuple entier, ils n'embrassent pas toute sa vie. L'esprit de parti colore de ses reflets menteurs nos nombreux essais liistoriques. Des avocats habiles plaident savamment le pour et le contre. Nous avons des histoires politiques, religieuses, militaires, commerciales, constitu- tionnelles, coloniales; mais des tableaux achevés qui nous offrent d'un sçàl ooap d'Sjpril tout ce que l'énèi^gie (f unf gritnde nution 9 produit days les arts et dans la guerre, dans le commerce et dans la politique , nous les attendons encore.

Nos historiens modernes, moins heureux dans le choix de leurs sujets que quelques-uns de leurs piëdécéssèiirs , ont prouvé beaucoup d'érudi- tion, de sagacité, d'étendue d^uis l'esprit; peut-être n'ont-ils pas égalé, pour le talent dramatique, la simplicité du style et la facilité de la narra- tion, ceux qui leur ont ouiert la route. On doit avouer que la plupart d'entre eui^ ont trop de penchant à la controverse, s'arrêtent trop compki- samment sur l'anecdote, et oublient trop souvent les grands traiu et les vastes pensées. Jjqs sujets manquent-ils donc ? Cette redoutable guerre qui a ébranlé récemment toutes les nations d'Europe n'a été décrite que par fragmens. Avons-nous une seule bonne histoire de la littérature anglaise? C'est à la nation elle-même, et non aux écrivains, qu'il faut adresser ces reproches. Ils consultent toqjours et suivent aveugléi^ent le goût du

succéder à celui des histoires générales? Les grands traits de la vie des peuples n'ont-ils pas été trop souvent reproduits, pour exciter encore un vif intérêt ? C'est |)ar les détails qu'elle peut se renouveler ; ce sont eu^ qui, bien étudiés, dqjv^t corriger ses erreurs anciennes et rajeunir son vieux coloris.

M. Allan Cunningham, dans sa marche aventureuse à travers tputes ces réputations et tous ces talens, a négligé d'indiquer l'esprit philosophique ^ui a présidé à leui^s créalions. Parmi les historiens , le représentant le plus énergique des idées nouvelles est Godwin , auquel on peut joindre Brodie. Southey représente l'ancienne Angle- teire aristocratique, modifiée par la révolution de 1688, et soumise à l'église angli- cane. Mitford , plus hardi dans ses déductions , se rattache à la même école. Roscoe , dont la pensée a bien moins de force, s est rapproché du catholicisme, dont Lii»- gard a embrassé ouvertement la dçfcuse.

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LITTÉRATVRK ANGLAISE- 7

publie; ce sonl des romans frivoles et des œuvres de parli qu'on leur de- mande, et qu'ils prodaisent.

JEikff LiNGARD a écrit une histoire d'Angleterre liesée sur les re- cherdies les plus curieuses et les plus neuves. Sagace, éloquent, simple «t concis dans sa diction , sachant disposer et grouper les événemens avec une heureuse clarté , il ne manque ni d'une certaine gravité d'iiisiorien , ui de couleurs ardentes et vives; mais il le cède à Hume pour la naiveté, la fociUté et la grâce, à Gïtibon pour l'intérêt , la verve et le pittoresque.

Ses premiers ouvrages, consacrés à la défense de l'église anglo-saxonne et de l'ancien catholicisme anglais , attestaient une patience de recherches et une puissance de style qui liront espérer qu'une bonne histoire d'An- gleterre sortirait de cette plume habUe. Oo savaii que le docteur Lingard aimait à puiser aux sources antiques et primitives, que les modernes docu- mens et les opinions accréditées ne. le satisfaisaient pas; on reconnaissait sa pénétration, sa persévérance et son> talent d'écrivain; mais l'on crai- gnait aussi que tosympathie qu'il avait déjà témoignée pour Rome catho- lique ne le portât à se coQstitner l'avocat de la papauté, à embellû* et idéaliser le portrait de ses défenseurs, tout en n'oubliant rien pour pré- senter ses ennemis sous des oouleurs odieuses et exagérées.

Oanese trompait pas. Chaque nouveau volume de V Histoire d'Angle^ ierr€ vint prouver la justesse do ces espérances comme de ces craintes. Lingard réserve tout son enthmisiasme pour I9 cause du catholicisme ; il n'a d'éloquence et d'amour que pour ces hommes d'église qui si long- temps ont lutté contre les rois. Il contemple avec froideur, peut-être, même avec mépris, la puissance croissante des communes d'Angleterre ; son humanité ne s'éveille qu'au son de la cloche sacrée; sa loyauté poul- ies rois , son patriotisme^ s'effacent devant son titre de catlioliqne. C'est sous la bannière du ponlife.suprême qu'il marche, c'est dans sa bénédiction qu'il puise riBspiBalion.d& toute son œuvre; s'il élève la voix en faveur, destrànes, c'est qu'il les regarde comme consacrés et inaugurés par le. successeur dos apôtres; il permet au clergé de déeouronner les roi^ pQun s'emparer de leur sceptre , et n'approuve les révolutions que lorsqu'elles se font dan» l'ixitér^t du prêtre. Si jioos voulions entrer ici dans des détails que les bornes de cet essai nous défendent d'aborder, nous le verrions excuser saint Dunstan, dont la turbulence séditieuse est flétrie même |»ar les anciens annalistes; nous le verrions faire l'apologie de la Saint-Bar- thélenû, réduire considérablement le nombre des victimes que cet af- freux massacre entraîna dans une tombe sanglante , et représenter comme le résultat funeste , mais pardonnable, d'une colère momentanée , tU) abcn . minable complot mûri et médité depuis long-temps.

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s REVUE DES DEUl MOMPES.

Il n'était pas étonnant qn'an td historien s'élevât contre la réforme, et qu'il se plaignit de la blessure profonde qne ce giand événement a portée an catholicisnie; mais on ne pent trop s'émerveiller de le voir soutenir, en dépit de tons les foits, que la réforme était inutile. Les catholiques ro- mains (4) ont eux-mêmes pris la peine d'attester l'indispensable nécessité d'une réforme. Leurs écrits, leurs conciles , leurs actes publics concourent an même témoignage. Pas un homme éclairé on instruit qui, avant Knox et Luther, n'ait avoué la dissolution de nunirs qui régnait dans les eou- vens, l'extrême corruption du clergé, son despotisme odieux. Si l'église romaine s'était réformée elle-même ; si le clei^ avait ouvert l'Évangile au peuple, s'il avait éteint les bûchers dans lesquels il précipitait les mal- heureux, s'il avait purifié les lieux sacrés et corrigé ses moeurs, H aurait échappé aux calamités qui le frappèrent Lingard n'a vouhi reconnaître rien de tout cela; il a essayé de soutenir que toute la structure de l'édifice catholique , avec ses abus et ses erreurs , était le résultat nécessaire de l'E- vangile. Esdave dévoué de son- église, il a vu avec indiflërenee, même avec aversion, les efforts du peuple anglais pour conquérir la liberté. Edouard I***, l'oppresseur du pays de Galles et de l'Ecosse, a reçu ses éloges; nos héros écossais , défenseurs magnanimes d'une cause sainte, il les a flétris du nom de traîtres. Il a soutenu que l'hommage féodal des comtés du nord envers l'Angleterre équivalait à la soumission totale et à la vassalité étemelle de l'Ecosse; et, comme s'il eût craint qne l'indé- pendance une fois admise n'ouvrit la voie à l'indépendance religieuse, il a dénigré et ravalé la liberté civile pour opposer d'avance une barrière à la liberté de conscience.

En un mot le savant docteur Lingard, quel que soit son talent, n'est qu'un moine du xiv« siècle jeté au milieu du xix^". Le célibat du clergé , la suprématie temporelle de l'église romaine, la foudre papale comman- dant aux rois, trouvent en lui un avocat habile et dévoué. La postérité tien- dra compte des préjugés de l'écrivain et ne lui assignera qu'une place in- férieure , quelque talent et quelque érudition qu'il ait déployés.

(i) L'auteoTt en bon presbytérieil écossais» est entré ici dans quelques détails particuliers à son pays et à son église, qui, tout intéressans qu*ib puissent être pour les personnes de sa conununion , ne nous ont pas semblé se rapporter néces- sairement à Tanalyse exacte qu^il donne du talent et des travaux de Lingard , écrivaiii froid, souvent paradoxal; avocat très partial de la cause catholique en Angleterre , mais dont la partialité trouve son excuse dans l'injustice haineuse et fanatique avec laquelle beaucoup d'écrivains protestans avaient traité leurs adver^

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LITTÉRATURE ANGLAISE. 9

Pour la vigueur et la variété du génie, Robert Southby a peu de rivaux. Critique exact et habile, poète de premier ordre, biographe adoiirable , il est en outre un de nos meilleurs historiens. Depuis Gibbon, aucun écrivain anglais n'a porté dans Tétude de l'histoire une érudition aussi vaste , aussi réfléchie , aussi détaillée. Maître de toutes les ressources de la langue anglaise, la gravité naturelle de son génie le rendait spéciale- ment propre aux grands travaux historiques. Ses œuvres respirent une simplicité presque antique, une noblesse naïve qui rappelle le style de nos bons auteurs du xvi« siècle , et qui l'a exposé aux attaques injustes de certains critiques, trop accoutumés à l'élégance affectée et à la rhéto- rique fleurie des auteurs modernes. Jamais, chez lui, la faiblesse de la pensée ne cherche un abri sous la pompe des grands mots. VHisUnre de la guerre de la Péninsule, celle du Brésil et le Livre de VÉglisey trois grandes compositions, offrent un ensemble harmonieux, une lucidité parfaite, une grandeur simple, qui doivent servir de modèle; ce sont des monnmens durables , que le caprice n'a pas élevés , et qui survivront à la plupart des œuvres contemporaines.

Dans son Histoire de la Péninsule , on reconnaît un coup d'œil vaste , une haute et large portée, la facilité d'embrasser et de faire mouvoir beau- coup d'objets à la fois, de les grouper, de les disposer, de les feire valoir. On y trouve aussi l'accent d'une ame noble et héroïque; toute la Pénin- sule se déploie aux yeux de Sonthey. Ses vallons, ses montagnes , ses dé- fllés inaccessibles , ses forêts , ses habitàns, ses villes sont là, devant lui; et quand il s'est rendu maître de tous les élémens de son sujet , quand il a bien étudié le noble et le paysan , le moine et le soldat, il raconte, avec une énergie digne des anciens , les diverses fortunes de cette guerre sou- tenue par la liberté contre le plus grand conquérant des temps modernes. On voit les armées s'entrechoquer, les différens caractères se dessiner net- tement, les intérêts des nations rester suspendus dans la balance. On prend un intérêt vif et puissant à tout ce drame pathétique. Sans doute quelques écrivains espagnols OQt critiqué cet ouvrage , dans lequel ils ont découvert des erreurs de détail; en Angleterre , on a reproché à l'auteur la teinte forte et véhémente qu'il a répandue sur son œuvre. Nous ne de- vons pas nous étonner de ces erreurs , pardonnables à un écrivain étran- ger; nous devons encore moins lui imputer à crime la sympathie ardente que lui ont inspirée les opprimés et son indignation contre l'oppresseur.

On lui a reproché aussi d'avoir trop usé des ressources que lui offrait Tancienne littérature espagnole; d'avoir mis à contribution les vieUles ballades et les vieux romans; de s'être rap[>elé trop souvent, à propos d'un couvent et d'une église, les traditions et les légendes dont son ima-

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REVUE DES DEUX MONDES.

contre Napoléon . « En Europe, disait-il , il y a encore une presse libre, celle de PAngleterre; de Païenne jusqu'à Hambourg , toute liberté est éteinte , tout est asservi. Au milieu de tant de ruines , notre gouvernement et notre patriotisme se sont maintenus; nous sommes fiers de ne pas avoir laissé crouler ce vénérable édifice constniit par nos ancêtres, de pouvoir encore rendre la justice, réunir le jury, élever la voix en fkveur de la liberté. Dans cette lie que n'a pas atteinte l'immense convulsion qui a ébranlé tous les droits et bouleversé tous les empires , je puis donc défendre la presse ! » Cette attaque contre le fils et rbéritier de la révolution française suscita des ennemis à Mackintosh. Ses anciens partisans crurent y voir une dé> faction : ils se trompaient. En 4792, il avait défendu la liberté; en 1841, il la défendait encore.

Quand on apprit que Mackintosh allait siéger à la Chambre des Com- munes, on pensa que son éloquence éclipserait la gloire de nos plus cé- lèbres orateurs. Le ministère tremblait. On sut que sa première molioB serait relative aux affoires de la Norwège, et dès le matin une foole em- pressée assiégea les portes du Parlement. Quelle fut la surprise de ses amis , lorsque après avoir écouté son discours ils y cherchèrent en vain le sujet même qu'il avait promis de traiter ! C'était une dissertation philo- sophique très brillante, un morceau spirituel, savant et bien écrit, mab destiné plutôt à orner les pages d'une revue mensuelle qu'à pitidoire de l'effet sur une assemblée délibérante. L'auteur s'occupait de toutes les na- tions du globe, la Norwège exceptée; il plaidait en sa faveur sans pro- noncer son nom, sans paraître se souvenir qu'elle existait : subtilité raffinée qui n'a rien de commun avec l'éloquence parlementaire. Les amis infime de Mackintosh avouèrent qu'il s'était trompé.

Lebniitse répandit qu'il travaiUait à une histoire d'Angleterre ; pendant vingt ans, on compta sur ce travail; il s'occupait, disait-on, de recueillir ses matériaux, de consulter les manuscrits et les archives. En 4850 , l'ou- vrage n'était pas même conunencé; il s'était contenté d'esquisser de brillans portraits , de tracer quelques épisodes , de jeter çà et des piennes d'attente et des fragmens. Enfin deux volumes insérés dans l'Encyclopédie de Lardner donnèrent une idée de ce que pourrait être un jour l'histoire d'Angleterre par Mackintosh. Ils n'étaient guère que l'amplification el le développement de la préface qui devait servir d'introduction à son grand ouvrage.

On y diercha vainement la main du génie, la puissance dominatrice qui s'empare de l'attention dès qu'elle apparaît. Du Ulent et des re- cherches curieuses , voilà tout ce que cet ouvrage renfermait de digne d'être remarque. Moins historien qu'orateur, inhabile à concentrer dans

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LITTÉRATURE ANGLAISE. 15

an seul foyer les rayons épars des souvenirs blstoriques'f dénué de cette ▼igoenr et de cette patience qui réunissent ie^ Caits en un seul foisceau , qui les groupent et les disposent avec force et avec sagacité; s*occupant de trop de détails subalternes et de minuties; trop {^ilosophe, trop métapby- sîdea pour accomplir Toeuvre de l'historien, pour narrer candidement , no- blement les &its légués par le temps passé, il manquait de simplicité, d'aisance, d'originalité. Il lui appartenait de juger des évènemens et de disserter sur eux d'une manière érudite et ingénieuse , bien plutôt que de les reproduire avec cette largeur épique, caractère distinctif de l'histo- rien. Ses amis me semblent avoir surfoit son talent; s'il avait eu le génie historique, ce génie aurait bouiUonné en lui et se serait frayé un passage de vive force. Je ne crois pas , comme le poète Gray , à ces Miltons sans gloire qoi manquent à leur vocation , à ces génies méconnus, silencieux et muets.

SiR WALTBa Scott a écrit deux histdres d'Ecosse : l'une populaire , fipmilîère , Us Soirées du coin de feu , qu'il raconte à son petit-fils; histoire diarmantie y pleine de vie , de grâce , de naïveté , rayonnante de chevalerie , de bonhomie , de souvenirs héroïques , narrés avec une admirable candeur. Scott n'a pas consulté un seul ouvrage, pour composer ce livre qui nous eodiante. Toute cette poésie de sa patrie, cette vaste fresque; si bien co- lorée, ces tableaux épurés, sans mélange des inutilités et des soories que kl plupart des historiens joignait à leur ceuvre, est sorti du cerveau de Scott comme Minerve armée du cerveau de Jupiter. La première série est swtoat merveiUeiise, et la seconde n'est guère inférieure à la première. Dans Tune nous trouvons les grandes aventores de Wallaoe et de Bruce, les naissantes destinées de l'Ecosse; dans la seconde , l'histoire domestique , privée et nationale de ce pays depuis l'avènement de la fonùlle Stuart jus- qu'à la réunion de l'Ecosse et de l'Angleterre. Que d'épisodes intéressans , de traits délicats et curieux que Ton ne trouve nulle part ailleurs ! quel diarme dans ce récit! et combien nous semble puéril et Êiax le juge- ment de ces honuaes, qui, voulant feire des romans, ontoobUé une époque, m pays, des mœurs si pittoresques ! La troisième série a été déflwée par IFaverley, qui en a reproduit avec tant de beauté et de grâce les inddens les plus brillans et les plus curieux. Ce qui est étonnant, c'est que dans œ grand ouvrage, écrit tout entier de mémoire, Scott n'a commis qu'une seule erreur.

Je suis beaucoup nioins content, pour ma part, de l'ounrage sérieux qu'il a CQiisacré au même sujet; c'est une oBuvre froide et sèche, qui n'a ni la dignité de l'histoire ni l'intérêt vif du roman. La main du malheur pesait alors SUT Walter Scott : l'on dirait que son souffle glacé a flétri l'origina- lité et la fraîcheur d'imagination qui appartenaient à l'historien-poète ;

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H RETUE DES DEUX MONDES.

on retrouve bien^ikns cet onvnige les sentimens généreux et patriotîqiies de WaUer Scott, mais non sa verve et la franchise de son talent. Je serais tenté de le regarder moins comme im historien véritable que comme nn excellent chroniqueur; il ressemble assez à Froissard pour l'invention poétique, et la nature l'avait doué d'un Ulent pittoresque qui remporte même sur le coloris éclatant et naïf de ce contemporain d'Edouard III. Incapable d'ailleurs de raisonner philosophiquement sur les foits ; moins profond que bon coloriste , je le nommerais volontiers le Rnbens de la lit- térature.

Telles sont les qualités qui distinguent l'histoire de notre époque, pu- bliée sons ce titre : Vie de Napoléon Bonaparte, C'est une merveille que cet ouvrage. La narration en est rapide et animée; nous suivons depuis le berceau jusqu'à la tombe les diverses fortunes de l'homme de la destinée ; lisant le Tasse sous les vieux arbres de l'école de Brienne; pauvre cadet dans le régiment de Lafère, et pensant bien plus à la littérature qu'à la tactique ; puis, an siège de Toulon, méditant le succès de son entreprise et étonnant par la rapidité et la sûreté de ses calculs les représentans du peuple muets devant lui. Notre ccsur bat quand nous voyons cet honmie immense , perdu et ignoré dans la capitale , dînant dans un mauvais restaurant avec Talma, puis appelé au moment du péril par la Convention qui invoque son secours et qui oppose aux factions soulevées ce jemie lieu- tenant. De Paris à Rome, de Rome en Allemagne, renversant les armées et fracassantles trônes sursa route, il va, ilva toujours, ce conquérant presque imberbe; il se fraie une voie sanglante jusqu'au sein de l'Egypte, ses savantes manœuvres faudient la cavalerie orientale comme l'acier du moissonneur fouche les épis ; notre ame l'accompagne et sympathise avec lui lorsqu'il est prêt à se précipiter dans l'Inde ; lorsque , ne pouvant y par- venir, il revient en France des hommes presque auffîi étranges que lui préparaient le mardie-piedde sa puissance. Quel drame, lorsqu'il arrache et précipite de leurs sièges les avocats tremblans! Que va-t-il foire? A quelle cBuvre va-t-il consacrer sa plume et son glaive ? Le premier consul de la république , le héros de tant de batailles rangées oeindra-t-il le dia- dème du despote?

Oui : nous nous éveiUons; notre rêve se dissipe. Il est roi, ses maréchaux se pressent autour de lui, il répudie sa femme; la fille des rois partage son lit impérial. Du nord au midi et du midi au nord, il foit mouvoir ses armées dévastatrices, et la victoire s'attache toujours à ses aigles; mais nous avons cessé de nous intéresser à lui , nous ne battons plus des mains quand il triomphe, nous ne nous associons plus à sa gloire : il est l'oppresseur des peuples , son immense fortune nous est odieuse.

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LITTÉRATURR ANGLAISE. iSi

Nous nous détathons de sa canse , jnsqu'au moment , écrasé par la conspiration de tous les trônes, il est condanmé à im exil qn'il ne peut supporter , rompt son ban , s'entoure de ses vieux camarades , tente avec eux un dernier effort désespéré, et succombe enfin sur le champ de bataille de Waterloo, laissant la victoire aux théories de Tarbitraire et du pouvoir divin; victoire inutile, comme les derniers évènemens sont venus nous rapprendre.

An moment on Walter Scott publia cette histoire , toute la colère de l'Europe était soulevée contre Bonaparte; nos sœurs et nos mères étaient en deuil; nos blessures saunaient, les mines des villes et des campagnes étaient sous nos yeux; partisan de l'antique noblesse et du droit féodal , patrioCeardent, Walter Scott ne devait pas traiter avec toute justice l'homme qui voulait £ûre régner le Talent à la place de la naissance et de la fortime, l'homme qui aurait accompli son grand dessein , s'il n'avait pas abusé de TaiiNtraire. Cependant on trouve beaucoup moins de partialité qu'on n'au- rait pu le présumer dans l'appréciation de Walter Scott; bien du temps se passera avant que l'on publie un récit plus fidèle, plus brillant, plus grandiose de cette tragique destinée.

William Rosgob a été diversement apprécié; quelques critiques, entre antres GifTord (4) , ont singulièrement rabaissé son talent d'historien. Les tories du Quaierly Review le traitèrent sans ménagement; mais en re- vanche les whigs de VEdinhurgh Review le défendirent à outrance : triste effet de l'esprit de parti qui pénètre Jusque dans la littérature, et qui ne permet pas même à la critique des oeuvres intellectuelles la justice et l'é- quité.

« Trop estimée à sa première apparition , dit le critique que nous venons de citer , l'histoire de Lorenzo de Médicis n'est pas indigne d'occuper une place dans nos bibliothèques. On y trouve de l'affectation et de la froideur, de la prétention et de l'élégance, des vignettes et de grandes marges, de la prose et des vers, de l'italien et de l'anglais, de la mono- tonie et du savoir. Le grand ouvrage du même auteur, V Histoire de Léon A', est loin de s'élever au niveau de son premier essai. Quoique génie ne l'edt pas empreint de sa marque énergique et ardente, il était impossible de regarder cet ouvrage comme une composition correcte et élé- gante. On ne fit pas grande attention auxdéfeuts réels de l'ouvrage. L'ennui qu'il inspiraitétendait sur lui son aile protectrice. La réputation de M. Ros- ooe se conserva donc intacte, grâce au peu de lecteurs qui s'avisèrent de le consulter. »

(i) Voyez ce que nous avons déjà dit de Gifford.

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Iti REVUE DES DEUX MONDES.

Il serait îniuste de chercher une apprécktîon exacle <M Ulentde R(mcc:::===^ daas ces pages amères. Amis et eDnemis Font également mal jngé. I^— -^ premier il nous a foit connaître l'ItaUe au xvf siède ; avant lui, le prôtrfe:--^ roi qui siège au Vatican était pour la plupart des Anglais une espèce ém^^^ monstre idéal et de chimère horrihle. Quelques voyageurs éclairés étaien ^^^^ parvenus à se débarrasser de ces pr^ugés barbares; mais la masse y étaî^ 'Sît encore asservie. Alors Roscoe se présenta environné de documensprécîeoxKL^^'^' recueillis avec soin y disposés avec art; son tableau du Vatican sous les dicis parut brillant, caractéristique et agréable. Sa pensée, qui numque < profondeur, de force, d'originalité, est toujours claire , exprimée avec i certaine grâce tranquille, qui ne s'élève ni ne s'anime jamais , soit qn'ib parle d'une médaille bien frappée ou d'une action tragique, d'un sonnet: agréablement tourné ou de cette révolution reKgiease qui , pénétrant jn que dans les caveaux du diâteau Saint- Ange , arracha quelques-uns de^ ses plus beaux domaines au pape Léon X. La diction de Roscoe n'a rien de libre , de grand , de nouveau ; il disserte avec goût , avec élégance, d'une manière correcte , quekpiefois ingénieuse et rarement obscure ; sa parole est étudiée , l'impulsion et la verve lui manquent.

Philanthrope et orateur, Roscoe essaya d'elfaicer cette tache flétrissante de la Grande-Bretagne, la traite des noirs. De LiVerpool qu'il habitait, son influence s'étendit au loin. J'ai lu quelques fragmens d'un mémoire qu'il voulait consacrer à la vie do poète Bums; mémoire que l'indignation avait dictée, et qui devait flétrir l'ingratitude de cette patrie, marâtre pour son enGuit le plus glorieux. Les passages que l'on m'a montrés m'ont paru beaucoup plus remarquables par la pompe des mots que par la véri* table éloquence.

Gomme poète, Roscoe n'a pas reçu moins d'élogesque comme prosateur; c'est la même Êiiblesse de pensée, la même facilité de style, le même -• essor doux et soutenu. d'une famille obscure et pauvre, il s'éleva ] son seul mérite , protégea les arts , fut l'ami et le patron du peintre Fuseli , .«r y

consacra ses loisirs à tout ce que la culture des lettres offre de plus élé ^

gant et de plus noble , se montra généreux et bienveillant pour les en

&ns de la muse, et leur ouvrit sa bourse et sa maison , tant que les sourirestf=^^ '^ de la fortune lui permirent de se livrer aux penchans de son cœur (1 }.

(t) Roscoe est un historien froid qui n*a guère senti le mouvement artistique el ^ commereial de l'Italie , et qui n'a d'autre mérite qu'un style pur et une éruditioii^ assez étendue.

M. Alton Cunningham , dans ses esquisses biographiques et littéraires, a oublia plusieurs noms très remarquables que la postérité n'oubliera pas. L'histoire de la

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LÎTTÉRATUHE ANGLAISE. 17

Sir John Malcolm.— La vie de cet écrivain n'esl pas moins intéressante qae ses ouvrages. Tvès jeune, il partit pour Tlnde; et du grade de sons- lieutenant il ne tarda pas à s'élever, à force de courage, de patience et d'activité, aux premiers rangs de Tarmée; ses études sanskrites marchaient de front avec ses exploits militaires et ses négociations diplomatiques. Ambassadeur, tacticien, poète, orientaliste , un mérite spécial lui per- mettait de tirer parti de circonstances si favorables ; c'était un observateur attentif qui ne laissait échapper aucun détail, un philosophe qui rapportait tous ses résultats à un point central, à une pensée première. Armé d'un crayon et d'un album, il parcourait toute l'Inde et toute la Perse, recueil- lant des notes , prenant acte de tons ses souvenirs et de tout ce qui se passait sous ses yeux, écoutant les sages du pays , prêtant l'oreille même aux passans et anx femmes , ne dédaignant rien de ce qui pouvait éclairer des régions si mal connues de l'Europe. Enfin plus de soixante volumes in-8®, remplis de ces documens, furent le résultat de ses recherches assi- dues et de ses travaux constans. Personne ne nous fait mieux comprendre ({ue lui la civilisation bizarre de l'Asie; il n'a pas négligé les traditions, les légendes, les fables que la crédulité de ces peuples admet parmi les témoignages les plus vénérables et les plus respectés.

n a bien raison de dire dans sa préface de V Histoire de la Perse , que sans la connaissance des traditions populaires , il est impossible d'arriver à celle de l'état social d'un peuple. « Ce sont elles, ajoute-t-il, qui ca-

Commonweelth , par Godwin, est un chef-d^œuvre de recherches, d'érudition, de jugement, d'impartialité. V Histoire (T Angleterre ^ par Brodie, mérite aussi des éloges , quoique les passions du parti whig l'aient marquée d'une empreinte beau- coup trop vive. Un des historiens anglais qui ont exercé le plus d'influence sur leur époque et sur les opinions modernes, est John Mitford , auteur de cette histoire de la Grèce que lord Byron ne cessait de relire, et qui, en butte à beaucoup d'attaques , n'en est pas moins le seul tableau vrai de l'Hellénie antique. Milford a un immense mérite , celui d'avoir dissipé le nuage pédantesque dont les sou- venirs d'Athènes et de Sparte s'envû'onnaient, de nous avoir fait pénétrer dans l'intérieur de ces petites républiques si héroïques et si barbares à la fois , mai- frênes féroces et capricieuses d'un peuple d'esclaves qu'elles égorgeaient a plaisir, et dont la sueur procurait aux citoyens de THellénie toutes les nécessités de l'existence , toutes les richesses du commerce. On a reproché à Mitford d'avoir calomnié les républiques grecques. Nous' ne pensons pas qu'après les jugemens faux et les peintures romanesques dont tous les livres de nos écoles ont été rem- plis , la sévérité de ce jugement puisse être dangereuse ; c'est bien plutôt un conire-poison à tant d'erreurs. Elle nous apprend à regarder ces citoyens de TOME I. 2

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client et recouvrcnl souvent les derniers débris d'une antique vérité iné> connue; il faut les étudier pour y déchiffrer les vestiges d*un passé perdu à jamais. Quelque extravagantes que soient les traditions, elles ne sont jamais indignes de nos regards , elles influent sur les peuples, se mêlent à leurs habitudes, à leur littérature , à leur religion , changent leurs mœurs , deviennent des symboles et des types, et s'associent d'une manière indé- lébile aux races qui les ont produites. Nos traditions populaires sur le grand Alfred , les traditions françaises relatives à Charlemagne et à Ro- land ne font-elles pas partie de la nationalité intime des peuples dont je parle? » Ces réflexions si justes que sir John Malcolm ne s'est pas contenté de développer dans sa préface , mais qu'il a mises en pratique avec beau- coup de talent , jettent sur ses ouvrages une couleur originale et une teinte précieuse de localité , de vérité. La plupart de ses descriptions de paysages ont été faites sur place. Son Histoire de VInde centrale a été composée toute entière pendant un voyage dans ce beau pays; tantôt ce sont les coutumes de ces peuples qu'il décrit d'après ses observations personnelles, tantôt quelques passages des poètes nationaux qu'il cite à l'appui de ses pages. La narration d'un prêtre, le récit traditionel d'un pâtre, nous en appreiment bien plus, ont bien plus de couleur et de vie que de longues dissertations érudites ne pourraient en avoir; ni les absurdités religieuses, ni les folies mystiques, ni les anecdotes sin- gulières ne sont dédaignées par lui. Ce qu'il veut surtout, c'est nous donner , à nous Européens , une idée juste de ces contrées merveilleuses, des idées et des mœurs étranges qui les animent. Dans ses Esquisses per- san nés, sir John Malcolm a jeté tout ce qu'il y a de poétique, de gracieux, de touchant dans les mœurs orientales; il a surtout cherché à amuser et à intéresser par ses tableaux. II a consacré son Histoire politique aux matières graves et s'est montré judicieux , libéral et instruit.

Cet écrivain remarquable réunit plusieurs qualités fort différentes : une certaine vivacité de pensée qui n'est pas la profondeur, mais qui a du naturel et du charme , une sensibilité poétique, de l'habileté pittoresque, et l'art de concevoû* l'histoire sous le point de vue dramatique. Â la fois orné et simple, son style a de la grâce et de la variété. On se souvient en- core de l'effet que produisait sa conversation pleine d'anecdotes, de traits heureux , de saillies gaies, de détails pathétiques.et aussi de sages conseils.

quelques villes antiques comme des hommes ti non comme des demi-dieux. Elle a surtout l'avantage de réfuter les nombreuses erreurs que les Plularque, les Lucien et tous les écrivains grecs d'une époque postérieure ont répandues et accréditées sur les premiers temps des républiques.

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LITTÉRATURE ANGLAISE. 19

Le colonel Napier a donné , aiH*ès Soathey, une histoire remaniiiable de fai guerre de la Péninsule. Quand on entendit parler de cette entreprise , on la regarda comme une folie. Que restait-il à faire en effet? A peine pour- rait-il glaner après la moisson de l'homme de génie; sans doute il allait donner au public des marches et des contre-marches , des détails techni- ques de sièges et de campemens , des dissertations sur les uniformes des années, enfin la statistique générale des livres de poudre bn^Iées dans cette campagne mémorable. On n'attendait pas davantage de ce soldat habile et brave qui avait été avec les chefs de tous tes partis , qui avait traversé dans tous les sens le théâtre de cette guerre, qui l'avait contem- plée non seulement avec le coup <f œil du guerrier, mais avec le regard du philosophe.

De quel étonnement ne fut-on pas pénétré , lorsque l'on vît paraître un des plus beaux livres de notre langue, une narration vive, forte, simple, brillante, contenant non-seulement l'histoire stratégique, mais l'histoire morale, politique et intellectuelle de ce pays : oeuvre pleine de mouvement, le canon tonne, les bataillons s'ébranlent et se cul- butent, où les personnages principaux sont d'une vérité animée, tout est rapide, violent, terrible et vrai. Nous honorons le colonel Napier, parce que , militaire distingué par plus d'une action d'éclat, il a vu dans le monde autre chose qu'une caserne ; parce qu'il a conservé un cœur d'homme, et n'a pas cm permis à un chef d'armée de verser le sang à torrens pour prouver la vérité d'une démonstration algébrique et la justesse d'une manœuvre. U laisse à d'autres la triste manie de n'admh-er Hiomme que comme de la c^oîr h canon , de ne voir dans la nature phy- sique qu'un assez bel emplacement destiné à des parcs d'artillerie , à des évolutions d'infonterie , à des chocs d'escadrons. Il a feit phis : se débarras- sant lui-même de tous les préjugés qui nous environnent , il a osé mani- fester le rtgret que, dans le service militaire de la Grande-Bretagne , le mérite réel contribue si peu à l'avancement du soldat. Notre aristocratie guerrière s'est soulevée c&fIKte cette assertion ; elle s'est fâchée contre cette vérité irrécusable : a Que Dieu distribue le génie et le talent sans acception de rang et de naissance, v Le colonel Napier prouvait à ses adversaires que dans un régime pareil à celui que nous avons adopté , Soult et Lannes, à force de bravoure et de persévérance , auraient tout au plus atteitit le grade de sergent , et que Bonaparte, avec tout son mérite , serait devenu simplement colonel d'artillerie. A cela que répondre? Les ennemis du colonel Napier et de son système, se contentèrent de l'injurier.

EnlËspagne, il a trouvé aussi des antagonistes. Cela devait être. 11 écrivait comme un Anglais et comme un soldat. Les vérités qu'il avait

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à dire ne pouvaient que déplaire aux Espagnols, qui prétendaient avoir çonibattu seuls pour leur indépendance, et repoussaient comme une imputation calonuiieuse la honte d'avoir été sauvés par les hérétiques. Mais Napier se souvenait que les Espagnols, si acharnés contre les Fran- çais, n'avalent pas moins de rage contre les Anglais protestans, qui étaient venus leur apporter la liberté. Il se souvenait qu'au moment la flotte anglaise s'était éloignée des côtes espagnoles , le départ des héri- ttg«€$ avait été célébré par un Te Deum général, chanté dans toutes les villes d'Espagne. Il se souvenait de l'antipathie des paysans pour les soldats , de la lenteur avec laquelle on leur envoyait des secours d'hommes et d'argent, surtout du sentiment de mécontentement et d'humiliation que les Espagnols ne manquaient jamais d'exprimer quand on leur rap- pelait le service éminentque les Anglais leur avaient rendu. Peut-être, en cherchant à venger ses compatriotes et à relever leur gloire , le co- lonel Napier a-t-il montré trop d'impétuosité, de partialité, d'ardeur: mais ce n'est pas à nous de lui reprocher ce défaut , dont la source est l'amour de la patrie. J'ai étendu de fort bons juges comparer le colonel Napier aux plus illustres de tous les historiens, à César et à Tacite. »

VEurope au moyen-dge et V Histoire consiituiimnelle d^ Angleterre fie- ront vivre long-temps le nom de Henry Hallam. Le premier de ces deux ouvrages me semble de beaucoup supérieur à l'autre. Quelques critiques l'ont préféré à l'œuvre capitale de Robertson, sous le rapport de la criti- que, de l'étendue des vues, et de la lucidité des dispositions. Le second ouvrage que nous avons cité , défectueux sous le rapport du plan et de la pensée première, se fait remarquer par une impartialité rare , par une candeur bien précieuse dans ce temps règne l'esprit de partie par une judicieuse et noble fermeté qui se fait un devoir de n'atjhnettre aucune exagération , aucun dénigrement. Ajoutez à ces mérites un style fort et original, bien qu'il soit entaché quelquefois d'obscurité; style grave, {^•in de faits et d'idées; style qui s'élève q\«elquefois jusqu'à une élo- quence haute et calme.

Rien de plus intéressant que V Histoire de l'Europe aumoyen-^e. On y volt l'ordre sortir du désordre, et sur les cendres du passé, au milieu des mines des vieux empires , des empires nouveaux surgir et se déve- lopper ; le règne de la violence se discipliner lui-même , élever une barrière et une digue en faveur des faibles contre les forts ; enfin l'Europe moderne se préparer et se forger, pour ainsi dire, dans cette fournaise ardente.

Le sujet de VHistoire constitutionnelle d'Angleterre était beaucoup moinsiieureux. C'est, selon nous, une idée maladroite et peu philosophi-

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LlTTÉRATUKfi ANGLAISE. 2i

que, de séparer les élteens constkatiis dont se compose l'histoire d'un peuple 9 de nous donner à part ses souvenirs guerriers, ses annales littéraires , ses souvenirs constitutionnels. Cet immense tissu ne veut pas être détruit ni parfilé; tout se mêle, tout se confond dans l'existence des nadons comme dans celle de l'homme. En Ecosse , les lueurs de l'in- cendie se mêlaient aux premiers éclairs de la liberté naissante. En Angle- terre y elle avait déjà ùài des progrès, et versait plus de chaleur et de clarté quand le triste échafaud de Charles I^' se dressa. Crimes , vices , vertus , arts, sciences , littérature, progrès politiques, conquêtes et défaites, tout s'amalgame : donner l'histoire isolée d'un seul de ces élémens, c'est faire l'anatomie de la main gauche , en négligeant celle de la mam droite. Nous n'avons pas encore d'histoire d'Angleterre. Tel nous donne un roman pittoresque , tel autre une investigation savante } ce troisième un pamphlet politique. Quel est l'écrivain assez fort pour peindre et pour réfléchir à la fois, pour être érudit et narrateur? qui entreprendra cette grande œuvre ?

Je ne puis m'empêcher de classer parmi les historiens Isaac d'Israéli. Cest un des hommes les plus instruits , les plus aimables et les plus spi- rituels de notre époque. La plupart de ses ouvrages sont anecdotiques , singulièrement amusans et faits pour jeter de la lumière sur les mœurs et le caractère des hommes de lettres en général et de nos écrivains en par- ticulier. Il aime à dérouler de vieux parchemins moisis, à déchiffrer une note au crayon sur la marge d'un livre : avec ces matériaux il foit des ceavres qu'on lit avec le même plaisir qu'un roman. Quiconque écrira l'histoire de la poésie anglaise ne pourra s'empêcher d'avoir recours à ces anecdotes.

Rien de plus intéressant que ses Commentaires sur la vie de Charles I", On lui reproche d'avoir traité avec trop de modération le malheureux roi dont il parle; mais je ne suis pas un de ceux qui attribuent tous lescrimes^ au monarque décapité par Cromwell. Je pense , comme les presbytériens de cette époque , que la mort et môme la déposition de Charles l" étaient inutiles et même dangereuses; qu'il suffisait d'^établir une constitution forte et libérale en Angleterre , saas répandre le sang royal. Les cavaliers et les indépendans n'étaient pas de cet avis.

On dit que M. d'Israéli s'occupe d'une histoire complète de la litté- rature anglaise: personne n'est plus capable que hii d'élever ce monu- ment national qui nous manque.

BIOGRAPHES.

Nous retrouverons dans ce diapitre les écrivains dont les noms se sont offerts à nous dans les chapitres précédens. Depuis l'époque Samuel

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22 REVUE DES DEUX MONDES.

Johnson se plaignait de ce que la iittéraUire anglaise était stérile eu ou-^ vrages de cette espèce, beaucoup d'hommes distingués ont ajouté ce fleu-