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DES LOIS,
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Tome IV.
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L' E S P R I T
DES LOIS.
NOUVELLE ÉDITION,
Revue , corrigée , & confidérablement augmentée par r Auteur.
TOME QUATRIEME.
Prolcmfine matre creatam.
OviB,
k LONDRES.
M. D C C. L X X V I /.
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BIBLIOTHECA
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DES LIVRES ET CHAPITRES
Contenus en ce quatrième Volume,
LIVRÉ XXX.
Théorie des lois féodales chez les Francs dans le rapport qu'elles ont avec l'établiffement de la Monarchie.
Chapitre I. U es lois f codâtes , p. i Ch. II. Des four us des lois féoda*
Us. 3
Origine du v affilage. 4 Continuation, du même fa- jet. 7 De la conquête des Francs.
8 Des Goths , des Bourgui- gnons & des Francs, iq A iij
Ch. |
III. |
Ch. |
IV. |
Ch. |
V. |
Ch. |
VI. |
V) Ch. |
VII. |
Ch. |
VIII. |
Ch. |
IX. |
Ch. Ch. |
X. XI. |
TABLE
Différentes manières de par*
tager les terres. 1 1
Continuation du même fu-
jet. 1 2
Jujle application de la loi
des Bourguignons & de
celle des Wifïgoths fur l&
partage des terres. 14
Des Jèrvitudes. 1 6
Continuation du mime fu~
jet. 19
Ch. XII. Que les terres du partage
des Barbares ne pay oient
point de tributs. 1 $
Ch. XIII, Quelles èioient les charges
des Romains & des Gau~
lois dans la Monarchie
des Francs. 30,
Ch. XIV. De ce qu'on appellou cen-
fus. 34
Ch. XV. Que ce que Von appelloit
cenfus , ne Je levoit que
fur les ferfs , & non pas
fur les hommes libres ,
Ch. XVI. Des leudes ou vaffaux y
Ch. XVII. Du fervice militaire des hommes libres, 47
DES
Ch. XVIII. Ch. XIX.
Ch. XX.
Ch. XXI.
Ch. XXII.
Ch. XXIII.
Ch. XXIV. Ch. XXV.
CHAPITRES, vij
Du double fervice. 5 i
Des comportions che^ les peuples Barbares. 57
De ce que Con a appelle depuis la jujlice des fei» gneurs. 6(5
De la jujlice territoriale des églifes. _ ^ 7jj
Que lesjujlices ètoient éta+ blies avant la fin de lu féconde race. 77
Idée générale du Livre de V établiffement de la 'Mo* narchie Francoife dans les Gaules , par M. Pabbi Dubos. 85
Continuation du même fu- jet. Réflexions fur le fond du fyjlême. 84
De la nobleffe Francoife*
9*
A iy
vil} TABLE
LIVRE XXXI.
Théorie des lois féodales chez les Francs dans le rapport qu'elles ont avec les révolutions de leur Mo- narchie.
CHAPITRE I. Changemens dans les ol
ces & les fiefs. 106
Ch. IL Comment le gouvernement
civil fut réformé. ir| Ch. II L autorité des Maires du pa-
lais. 1IC}
Cîî. IV. Quel étoit , à F égard des
Maires , le génie de la. nation. 125
Ch. V. Comment les Maires obtin-
rent le commandement des armées. 1 2 Ç
Ch. VI. Seconde époque de F abaiffe-
ment des rois de la pre- mière race. 128 Ch. VII. Des grands offices & des fiefs fous les Maires du palais. 130 Ch. VIII. Comment les aïeux furent changés en fiefs. 132
13 ES |
|
Ca. |
IX, |
Ch. |
X. |
Ch. |
XL |
Ch. |
XII. |
Ch. |
XIII. |
Ch. |
XIV, |
Ch. |
XV. |
Ch. |
XVI. |
Ch. |
XVII. |
Ch. |
XVIÏÎ |
Ch. |
XIX. |
v^H , |
, XX. |
Ch |
, XXI. |
CHAPITRES, ix
Comment les biens eccli/iaf tiques furent convertis en fiefs. ■ 138
Richeffes du Clergé. 141
Etat de V Europe du temps de Charles -Mar- tel. 143
Etabliffement des dîmes.
149
Des élections aux Evéchés
& Abbayes. 15c
Des fiefs de Charles- Martel. 156
Continuation du même fw< jet. 1 57
Confujion de la royauté 6* de la mairerie. Seconde race. 1 5 g
Chofe particulière, dans l'é- lection des rois de la fé- conde race. 16 î Charlemagne. 164 Continuation du même ùi-
lou ls le dèbon- nalre. 168
Continuation du même fu- ju. 172
À V
x TABLE
Ch. XXII. Continuation du même fu jetkt
174 Ch. XXIII. Continuation du même fuj et.
176 Ch. XXIV. Que les hommes libres fu- rent rendus capables de pojféder des fiefs, 181
Cause principale de l'affoiblis- sement de la seconde race.
Ch. XXV. Changement dans les aïeux*
184
Ch. XXVI. Changement dans les fiefs.
1%
Ch. XXVII. Autre changement arrive dans les fiefs. 191
Ch. XXVIII. Changement arrivés dans les grands offices & dans les fiefs. 19J
Ch XXIX. De la nature des fiefs de- puis le règne de CHAR- LES le Chauve. 196
Ch. XXX. Continuation du même fuj et.
198
Ch. XXXI. Comment P empire fbrtit de la maifon de Charle* MAGNE. ZQ1
DES CHAPITRES, x}
Ch. XXXII. Comment la couronne de
France pa^a dans la maii
fin de Hugues Ca~
PET. 20i
CH. XXXIII. Quelques conséquences de
la perpétuité des fitfs*
Ch. XXXIV. Continuation du même fu-^ jet. ii f
Tf ■' VI "*"'•* *-"»■
DÉFENSE
DE L'ESPRIT DES LOIS.
Première Partie. 221I
Seconde Partie. 254
Idée générale. ibicL
Des confeils de religion, 260
De la polygamie. 265
Climat. 27 1\
Tolérance. 274
Célibat. 277'
Erreur particulière du critique. 281;
Mariage. 283
UJure. 284
Des ufures maritimes. 28 s
A vj
xi] TABLE DES CHAPITRES.
Troisième partie. 303;
eclaircissemens sur l'esprit
des Lois. 316
LYSIMAQUE. 3.23,
Fin de la Table du Tome quatrième*
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DE
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L'ESPRIT
DES LOIS.
LIVRE XXX.-
Théorie des Lois féodales che? /es francs , dans le rapport qu elles ont avec l'établiffement de la Monarchie.
CHAPITRE PREMIER.
Des Lois féodales.
E croirais qu'il y auroit une imperfection dans mon ou- vrage , û je paffois fous filence un événement arrivé une fois dans le monde , & qui n'arri- vera peut-être jamais ; fx je ne parlois de
i De l'esprit des Lois,
ces lois que l'on vit paroître en un mi> ment dans toute l'Europe , fans qu'elles tinffent à celles qu'on avoit jufqu'alors connues ; de ces lois qui ont fait des biens & des maux infinis ; qui ont laifïe des droits quand on a cédé le domaine; qui , en donnant à plufieurs perfonnes divers genres de feigneurie fur la même chofe , ou fur les mêmes perfonnes 9 ont diminué le poids de la feigneurie entière ; qui ont polé diverfes limites dans des empires trop étendus; qui ont produit la règle avec une inclinaifon à l'anarchie , tk l'anarchie avec une ten- dance à l'ordre & à l'harmonie.
Ceci demanderoit un ouvrage ex- près ; mais , vu la nature de celui-ci , on y trouvera plutôt ces lois comme je les ai envifagées , que comme je les ai traitées.
C'efl un beau fpectacle que celui des lois féodales. Un chêne antique (a) s'é- lève ; l'œil en voit de loin des feuillages, il approche , il en voit la tige ; mais il n'en apperçoit point les racines : il faut percer la terre pour les trouver.
(a) ...... , Quantum vertice ad oras
uEthcrcas, taruùm radiet ad tartara tendit.
Liv. XXX. Chap. Tï. j-
CHAPITRE II.
Des fources des lois féodales.
LES peuples qui conquirent l'em- pire Romain étoient fortis de la Germanie. Quoique peu d'auteurs an- ciens nous ayent décrit leurs mœurs f nous en avons deux qui font d'un très- grand poids. Céfar , laiffant la guerre aux Germains , décrit les mœurs (a) des Germains; & c'eil fur ces mœurs qu'il a réglé quelques-unes (£) de (es entre- prifes. Quelques pages de Céfar , fur cette matière , font des volumes.
Tacite fait un ouvrage exprès fur les mœurs des Germains. 11 efl court , cet ouvrage; mais c'eil l'ouvrage de Tacite ? qui abrégeoit tout , parce qu'il voyoit tout.
Ces deux auteurs fe trouvent dans un tel concert avec les codes des lois des peuples barbares que nous avons 9 qu'en lifant Céfar & Tacite , on trouve par-tout ces codes ; & qu'en lifant ces codes, on trouve par-tout Céfar & Tarin*
(a) Livre VI.
(b) Par exemple , fa retraite d'Allemagne , ihii^
4 De t'ÊSPRTT des Lois,
Que fi , dans la recherche des lois féodales , je me vois dans un labyrinthe obfcur , plein de routes & de détours , je crois que je tiens le bout du fil , & que je puis marcher.
CHAPITRE III.
Origine du vaffdage.
César dit (<z) que « les Germains » ne s'attachoient point à l'agri- » culture ; que la plupart vivoient de » lait , de fromage & de chair ; que *> perfonne n'avoit de terres ni de li- » mites qui lui fufTent propres ; que les » princes & les magiflrats de chaque y> nation donnoienr aux particuliers la » portion de terre qu'ils vouloient , k dans le lieu qu'ils vouloient , & les » obligeoient Tannée fuivante de palTer *> ailleurs. Tacite dit (£) , que chaque vu prince avoit une troupe de gens qui » s'attachoient à lui & le fui voient ». Cet auteur qui , dans fa langue , leur donne un nom qui a du rapport avec
(c) Liv. VI , de la guerre des Gaules. Tacite ajoutât Nulii domus , aut ager , eut aligna cura j vrout ad qiujif- venêre aluntur. De morib. Germ.
{b), Di - moribus Gitman,
Liv. XXX. Chai>. III. £
leur état , lés nomme compagnons (a), ïî y avoit entr'eux une émulation fin- guliere (i>) pour obtenir quelque dif- tindion auprès du prince & une même émulation entre les princes fur le nom- bre & la bravoure de leurs compagnons. « C'eil , ajoute Tacite , la dignité , c'eil » la puiilance d'être toujours entouré » d'une foule de jeunes gens que l'on » a choifis ; c'eil un ornement dans » la paix , c'efl un rempart dans la » guerre. On fe rend célèbre dans fa » nation & chez les peuples voifins , 1î » l'on furpafTe les autres par le nombre » & le courage de fes compagnons : on » reçoit des préfens ; les ambaffades »> viennent de toutes parts. Souvent la » réputation décide de la guerre. Dans » le combat il eil honteux au prince » d'être inférieur en courage ; il eil » honteux à la troupe de ne point éga- » 1er la valeur du prince ; c'efl une in- » famie éternelle de lui avoir furvécu. » L'engagement le plus facré , c'efl: de » le défendre. Si une cité eil en paix , » les princes vont chez celles qui font » la guerre ; c'eil par-là qu'ils confer-
(a) Comités, [h) Ibid.
£ De l'esprit î>es Lois, » vent un grand nombre d'amis. Ceux* » ci reçoivent d'eux le cheval du corn* » bat & le javelot terrible. Les repas » peu délicats , mais grands , font une » efpece de folde pour eux. Le prince » ne foutient fes libéralités que par les » guerres & les rapines. Vous leur » persuaderiez bien moins de labourer » la terre & d'attendre l'année , que » d'appeller l'ennemi & de recevoir » des blefîures ; ils n'acquerront pas » par la fueur ce qu'ils peuvent obte- » nir par le fang ».
Ainii , chez les Germains , il y avoit des vaffaux & non pas des fiefs : il n'y avoit point de fiefs , parce que les princes n'avoient point de terres à donner; ou plutôt les fiefs étoient des chevaux de bataille , des armes , des repas. Il y avoit des vaffaux , parce qu'il y avoit des hommes fidèles , qui étoient liés par leur parole, qui étoient engagés pour la guerre , & qui faifoient à peu près le même fer vice que l'on fit depuis pour les fiefs.
Liv. XXX. CuaP. IV. 7
CHAPITRE IV.
Continuation du même fujet.
CÉSAR dit (a) que « quand un des » princes déclaroit à l'affemblée » qu'il avoit formé le projet de quelque » expédition , & demandoit qu'on le » fuivît, ceux qui approuvaient le chef » & l'entreprife , fe le voient & offroient » leur fecours. Ils étoient loués par la » multitude. Mais s'ils ne rempliffoient » pas leurs engagemens , ils perdoient la » confiance publique, & on les regardoit » comme des déferteurs & des traîtres ».'
Ce que dit ici Céfar, & ce que nous avons dit dans le chapitre précédent après Tacite , eu. le germe de l'hifloire de la première race.
Il ne faut pas être étonné que les rois ayent toujours eu à chaque expédition de nouvelles armées à refaire , d'autres troupes à perfuader, de nouvelles gens à engager ; qu'il ait fallu , pour acquérir beaucoup , qu'ils répandiffent beau- coup ; qu'ils acquittent fans ceffe par le partage des terres & des dépouilles , &C
{a) De. bdlo Gallico t liv. VI.
È De l'esprit des Lois,
qu'ils donnaient fans cefïe ces terres & ces dépouilles ; que leur domaine grofsît continuellement, & qu'il dimi- nuât fans celle ; qu'un père qui don- noit à un de (es enfans un royaume (a)9 y joignît toujours un tréfor ; que le tréfor du roi fût regardé comme nécef- faire à la monarchie ; & qu'un roi {f) ne put même, pour la dot de fa fille, en faire part aux étrangers , fans le coti- fentement des autres rois. La monar- chie avoit fon allure , par des refforts qu'il falloit toujours remonter.
CHAPITRE V. De la conquête des Francs,
IL n'efl pas vrai'qut les Francs, en- trant dans la Gaule , ayent occupé toutes les terres du pays pour en faire des fiefs. Quelques gens ont penfé ainfi , parce qu'ils ont vu , fur la fin de la
( a ) Voyez la vie de Dagohert.
( h ) Voyez Grégoire de Tours , liv. VI , fur le ma- riage de la fille de Chilpérlc. Childebcrt lui envoie des ambaffadeurs , pour lui dire qu'il n'ait point à donner àss villes du royaume de fon père à fa fille, ni de Ces tréTors , ni des ferfs , ni des chevaux , ni des attelages de bœufs, &c.
Liv. XXX. Chap. V. 9
féconde race , prefque toutes les terres devenues des fiefs , des arriere-fiefj , ou des dépendances de l'un ou de l'au- tre : mais cela a eu des caufes particu- lières qu'on expliquera dans la fuite.
La conféquence qu'on en voudroit tirer, que les Barbares firent un règle- ment général pour établir par-tout la ferviîude de la glèbe , n'efr. pas moins fauffe que le principe. Si dans un temps où les fiefs étoient amovibles , toutes les terres du royaume avoient été des fiefs ou des dépendances de fîefs , &ç tous les hommes du royaume des vaf- faux ou des ferfs qui dépendoient d'eux; comme celui qui a les biens a toujours aufTi la puiffance , le roi , qui auroit difpofé continuellement des fiefs, c'efl- à-dire de l'unique prepriété , auroit eu une puiffance aufTi arbitraire que celle du fui tan l'en1 en Turquie ; ce qui ren* verfe toute l'hifloire.
£o De l'esprit des Lois,
CHAPITRE VI.
Des Goihs , des Bourguignons & des Francs.
Les Gaules furent envahies par les nations Germaines. Les Wiiigoths occupèrent la Narbonnoife & preique tout le midi ; les Bourguignons s'éta- blirent dans la partie qui regarde l'O- rient ; & les Francs conquirent à peu près le refte.
Il ne faut pas douter que ces barbares n'ayent confervé dans leurs conquêtes les mœurs , les inclinations & les ufa- ges qu'ils avoient dans leur pays ; parce qu'une nation ne change pas dans un inftant de manière de penfer & d'a- gir. Ces peuples , dans la Germanie , cultivoient peu les terres. Il paroît , par Tacite & Céfar, qu'ils s'appliquoient beaucoup à la vie paflorale ; aufli les difpofitions des codes des lois des Bar- bares roulent-elles prefque toutes fur les troupeaux. Roricon , qui écrivoit l'hiftoire chez les Francs , étoit pafteur.
Liv. XXX. Chap. VII. ii
CHAPITRE VII.
Différentes manières de partager les terres,
LES Goths & les Bourguignons ayant pénétré , fous divers prétextes , dans l'intérieur de l'empire , les Ro- mains , pour arrêter leurs dé variations, furent obligés de pourvoir A leur fub- fiftance. D'abord ils leur donnoient du blé (a) ; dans la fuite , ils aimèrent mieux leur donner des terres. Les em- pereurs , ou fous leur nom les magif- trats Romains (£ ) , firent des conven- tions avec eux fur le partage du pays , comme on le voit dans les chroniques 6c dans les codes des Wifigoths (c) 6c des Bourguignons (d).
Les Francs ne fuivirent pas le même
(<i) Voyez Zo\imt , liv. V, fur la diftributiorr du. blé demandée pat Alarlc.
(b) Burgundion.es parttm Galliiz occupaverunc , ter- rafqut cum Gallicis fenatoribus diviftrunt. Chronique de Marias , fur l'an 456.
(c) Livre X, tit. I , §. 8 , 9 & 16.
(d) Chapitie liv , §. 1 & z; & ce partage fub- fiftoit du temps de Louis le débonnaire , comme il paroît par fon capitulaire de l'an 819 , qui a été inféré dans fa loi des Bourguignons 1 tic. 79 , §. 1,
'tx De l'esprit dès Loîs, plan. On ne trouve , dans les lois Sa- liques & Ripuaires , aucune trace d'un tel partage de terres ; ils avoient con- quis , ils prirent ce qu'ils voulurent , & ne firent de réglemens qu'entr'eux.
Distinguons donc le procédé des Bourguignons & des Wifigoths dans la Gaule , celui de ces mêmes Wifigoths en Eipagne, des foldats auxiliaires (a) fous Augujlulc & Odoacer en Italie , d'a- vec celui des Francs dans les Gaules &c des Vandales en Afrique (£). Les pre- miers firent des conventions avec les anciens habitans , & en conféquence un partage de terres avec eux : les fé- conds ne firent rien de tout cela.
•CHAPITRE VIII.
Continuation du même fujet.
CE qui donne l'idée d'une grande, usurpation des terres des Romaine par les Barbares, c'eft qu'on trouve dans les lois des Wifigoths & des Bourgui- gnons, que ces deux peuples eurent les
(■") Voyez Procope , guerre des Goths. (h) Guerre dés Vandales,
deu?c
Lîv. XXX. Chap. VIII. 15
deux tiers des terres : mais ces deux tiers ne furent pris que dans de certains quartiers qu'on leur alîigna.
Gondcbaud (#) dit, dans la loi des Bourguignons , que ion peuple , dans fon établiflement , reçut les deux tiers des terres ; & il eft dit dans le fécond fupplément (£) à cette loi , qu'on n'en donneroit plus que la moitié à ceux qui viendroient dans le pays. Toutes les terres n'avoient donc pas d'abord été partagées entre les Romains & les Bour- guignons.
On trouve , clans les textes de ces deux réglemens, les mêmes expreffions ; ils s'expliquent donc l'un & l'autre ; &C comme on ne peut pas entendre le fé- cond d'un partage univerfel des terres, on ne peut pas non plus donner cette fignifîcation au premier.
Les Francs agirent avec la même mo- dération que les Bourguignons ; ils ne dépouillerentpas iesRomains dans toute l'étendue de leurs conquêtes. Qu'au-
(a) Licet eo tempore quo popuïus nofitr miner piorum ttrtiam & duas terrarum parus accepit , &;. loi des Bourguignons, tit. 54, §. r.
(b) Ut non ampUùs à Burvundionibus qui infrà v»- ntrunt , requiratur quarn ad p,-xftns neccjfuas fuerlt , mediitas tara. , art. it.
Tome IK B
'»4 De l'esprit des Lois,
roient-ils fait de tant de terres ? Ils pri- rent celles qui leur convinrent , & laif- ferent le refte.
CHAPITRE IX.
Jujic application de la loi des Bourguignons & de celle des Wijigoths fur le partage des terres.
L faut confidérer que ces partages ne furent point faits par un efprit ty- rannique, mais dans l'idée de fubvenir aux befoins mutuels des deux peuples qui dévoient habiter le même pays.
La loi des Bourguignons veut que cîiaque Bourguignon foit reçu en qua^ lité d'hôte chez un Romain. Cela eft conforme aux mœurs des Germains , qui , au rapport de Tacite (a) , étoient le peuple de la terre qui aimoit le plus à exercer l'hofpitalité.
La loi veut que le Bourguignon ait les deux tiers des terres , & le tiers des ferfs. Elle fuivoit le génie des deux peuples , & fe conformoit à la manière dont ils fe procuraient la fubfiftance. Le Bourguignon, qui faifoit paître des
( a ] De moribtif -Çgrm<i/f9
Liv. XXX. Chap. IX. 15
troupeaux , avoit befoin de .beaucoup de terres , & de peu de ferfs ; & le grand travail de la culture de la terre exigeoit que le Romain eût moins de glèbe , & un plus grand nombre de ierfs. Les bois étoient partagés par moitié , parce que les befoins à cet égard étoient les mêmes.
On voit , dans le code ( a ) des Bour- guignons, que chaque barbare fut placé chez chaque Romain. Le partage ne fut donc pas général : mais le nombre des Romains qui donnèrent le partage , fut égal à celui des Bourguignons qui le reçurent. Le Romain fut léfé le moins qu'il fut poilible : le Bourgui- gnon , guerrier , chaffeur & pafteur , ne dédaignoit pas de prendre des fri- ches ; le Romain gardoit les terres les plus propres à la culture ; les troupeaux du Bourguignon engraiifoientle champ Au Romain.
-(«.) Es dans c;lui des Wiiîgoths,
B l)
â6 De l'esprit des Lois,
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CHAPITRE X. Des fervitudes.
IL efl dit , dans la loi (a) des Bour- guignons , que quand ces peuples s'établirent dans les Gaules , ils reçurent les deux tiers des terres , & le tiers des ferfs. La fervitude de la glèbe étoit donc établie dans cette partie de la Gaule , avant l'entrée des Bourguignons (£).
La loi des Bourguignons , flamant fur les deux nations , diflingue formelle- ment , dans l'une vC dans l'autre , les nobles , les ingénus & les ferfs (c). La fervitude n'étoit donc point une chofe particulière aux Romains , ni la liberté & la noblefTe une chofe particulière aux barbares.
Cette même loi dit (J) que , fi un affranchi Bourguignon n'avoit point donné une certaine fomme à fon maî-
(a) Tit. J4-
(b) Cela efl confirmé par tout le titre du code de agricolis & csnfitis & colonis.
(c) Si d^ntem optimati Burgundioni vel Romano nobili exeufferit, tit. 26, §. I ; & Simcdiocribus perfonis ingt- nuis , tàm Burgundionïbus quàm Romanis : ibid, §. 2,
Çd) Tit. 57.
Liv. XXX. Chap. X. i?
îre , ni reçu une portion tierce d'un Romain , il étoit toujours cenfé de la famille de fon maître. Le Romain pro- priétaire étoit donc libre, puiiqu'il n'e* toit point dans la famille d'un autre ; il étoit libre , puifque fa portion tierce étoit un figne de liberté.
ïl n'y a qu'à ouvrir les lois Saliques & Ripuaires , pour voir que les Ro- mains ne vivoient pas plus dans la fer- vitude chez les Francs , que chez les autres conquérans de la Gaule.
M. le comte de Boulainvilïurs a man- qué le point capital de fon fyftêine ; il n'a point prouvé que les Francs ayent fait un règlement général qui mît les Romains dans une efpece de fervitude.
Comme fon ouvrage eft écrit fans aucun art , & qu'il y parle avec cette {implicite , cette franchife & cette in- génuité de l'ancienne nobleffe dont il étoit forti , tout le monde eft capable de juger, & des belles chofes qu'il dit, & des erreurs dans lesquelles il tombe. Ainfi je ne l'examinerai point. Je dirai feulement qu'il avoit plus d'efprit que de lumières , plus de lumières que de favoir : mais ce favoir n'étoit point mé- prifable , parce que , de notre hiftoire
B iij
&8 De l'esprit des Lors>
& de nos lois , il favoit très-bien les grandes chofes.
M. le comte de Boulainvilliers &C M. l'abbé Dubos ont fait chacun un fyilême, dont l'unfemble être une con- juration contre le tiers-état ? & l'autre une conjuration contre la nobleffe» Lorfque le Soleil donna à Phaéton fort- char à conduire , il lui dit : « Si vous w montez trop haut , vous brûlerez la » demeure celefle ; fi vous descendez » trop bas , vous réduirez en cendres »> la terre : n'allez point trop à droite , » vous tomberiez dans la conftellation. » du Serpent ; n'allez point trop à gau- » che , vous iriez dans celle de l'Autel i » tenez-vous entre les deux (#).
{a) Nec preme , nu fummummolirt per ctûitra currum^ Altiùs cgreffus , cœlefiia tccla crtmahis ; lnfcrlùs , titras : mtdïo tutijjimus ibis. Net te dexterior tortum declinet ad Angucm ; Ncve finijîerior prenant rota ducat ad Aram :
Inter utrumquc tint
OviD. Me'tam, liv, ÎI;.
*&Ê&'
Liv. XXX. Chap. XL kj
CHAPITRE XL
Continuation du mime fujet. E qui a donné l'idée d'un règle-
ment général fait dans le temps de la conquête , c'eft qu'on a vu erï France un prodigieux nombre de fer- vitudes vers le commencement de la îroifieme race ; & comme on ne s'eft pas apperçu de la progreffion conti- nuelle qui fe rit de ces lèrvitudes , on a imaginé dans un temps obfcur une loi générale qui ne fut jamais.
Dans le commencement de la pre- mière race , on voit un nombre infini d'hommes libres , foit parmi les Francs , foit parmi les Romains : mais le nom- bre des ferfs augmenta tellement, qu'au commencement de la troifieme , tous les laboureurs &c prefque tous les habi- tans des villes fe trouvèrent ferfs (a) : & au lieu que , dans le commencement de la première , il y avoit dans les villes à peu près la même adminiflration que
(a) Pendant que la Gaule étoit fous la domination des Romains , ils formoient des corps particuliers : c'étoient ordinairemest des affranchis ou defcendans d'affranchis.
B iv
ao De l'esprit des Lois,
chez, les Romains , des corps de bour- geoise , un fénat , des cours de judi- cature ; on ne trouve guère, \ers le commencement de la troifteme , qu'un feigneur & des ferfs.
Lorfque les Francs , les Bourgui- gnons & les Goths faifoient leurs in- vafions , ils prenoient l'or , l'argent , les meubles , les vêtemens , les hom- mes , les femmes , les garçons , dont l'armée pouvoit fe charger ; le tout fe rapportoit en commun , & l'armée le partageoit (<a). Le corps entier de l'his- toire prouve y qu'après le premier éta- biiffement , c'eil-à-dire après les pre- miers ravages , ils reçurent à compo- sition les habitans , & leur laifferent tous leiurs droits politiques & civils. C'étoit le droit des gens de ce temps- là ; on enlevoit tout dans la guerre , on accordoit tout dans la paix. Si cela n'avoit pas été ainii , comment trou- verions-nous , dans les lois faliques & Bourguignonnes , tant de difpofitions contradictoires à la fervitude générale des hommes ?
Mais ce que la conquête ne fît pas ,
{a) Voyez Grégoire it Tours, liv. II , ch. xxvux Aimoin , IiY. I , cbap. xn.
Liv. XXX. Chap. XI. il
le même droit des gens (a) , qui fubfifta après la conquête , le fit. La réfiftance , la révolte , la prife des villes , empor- toient avec elles la fervitude des habi- tans. Et comme , outre les guerres que les différentes nations conquérantes fi- rent entr'elles , il y eut cela de particu- lier chez les Francs , que les divers par- tages de la monarchie firent naître fans ceffe des guerres civiles entre les frères ou neveux , dans lefqnelles ce droit des gens fut toujours pratiqué ; les Servitu- des devinrent plus générales en France que dans les autres pays : & c'eft , je crois , une des caufes de la différence qui eil entre nos lois Françoifes , Se celles d'Italie & d'Efpagne , fur les droits des feigneurs.
La conquête ne fut que l'affaire d'un moment ; & le droit des gens que l'on y employa, produifit quelques iervitu- des. L'ufage du même droit des gens pendant plufieurs fiecles, fit que les fer- yitudes s'étendirent prodigieufement.
Theuderic (£) croyant que les peu- ples d'Auvergne ne lui étoient pas fide-
(a) Voyez les vies des Saints citées ci-après à là note (c) de la page 23. (/>] Grégoire d$ Tours, liv. III.
P.ï
ii De l'esprit des Lois,
les , dit aux Francs de (on partage t « Suivez-moi : je vous mènerai dans un >* pays ou vous aurez de l'or , de l'ar- » gent, des captifs, desvêtemens, des- » troupeaux en abondance ; & vous en » transférerez tous les hommes dans. » votre pays. »
Après la paix (#) qui fe fît entre Gontrand & Chilptric , ceux qui affié- geoient Bourges ayant eu ordre de* revenir , ils amenèrent tant de butin qu'ils ne laifferent prefque dans le pays ni hommes ni troupeaux.
Théodoric , roi d'Italie , dont Pefprit & la politique étoient de fe diflinguer toujours des autres rois barbares , en- voyant fon armée dans la Gaule , écrit <m général (F) : « Je veux qu'on fuive les » lois Romaines , & que vous rendiez » les efclaves fugitifs à leurs maîtres : le » défenfeur de la liberté ne doit point » favorifer l'abandon de la lervitude. » Que les autres rois fe plaifent dans le » pillage <k la ruine des villes qu'ils ont y> prifes : nous voulons vaincre de ma- » niere que nos fujets fe plaignent d'a~ vt voir acquis trop tard la fujétion. »
(a) Grégoire de Tours , liv. VI, ch. xxxi, \b) Lettre 43, liv. III, dans Ca^ioioju
Liv. XXX. Chap. XL ±3
îl efr. clair qu'il voul oit rendre odieux; les rois des Francs & des Bourguignons, & qu'il faifoit allufion à leur droit des gens.
Ce droit fubfifta dans la féconde race. L'armée de Pépin étant entrée en Aquitaine , revint en France chargée d'un nombre infini de dépouilles & de ferfs, difent les annales de Metz (4).
Je pourrois citer des autorités (/>) fans nombre. Et comme , dans ces malheurs,; les entrailles de la charité s'émurent ; comme plufieursfaints évêques, voyant les captifs attachés deux à deux , em- ployèrent l'argent des églifes & vendi- rent même les vafes facrés pour en rache- ter ce qu'ils purent; que de faints moines s'y employèrent ; c'efl dans les vies des faints (c) que l'on trouve les plus grands éclairciÛemens fur cette matière. Quoi- qu'on puifTe reprocher aux auteurs de ces vies d'avoir été quelquefois un peu
(a) Sur l'an 763. Innumerabilibus fpoliis &• captives totus illi exercittts ditatut , in Franciam rever/us efl,
(b) Annales de Fulde , année 739 ; Paul diacre, dé gefiis Lonçobardorum , liv. 111 , ch. xxx : & liv. IV , cil. 1 : & les vies des faints citées note (Vivante.
(c) Voyez les vies rie S, Epiphanc , de S. Eptad'nt*t de 5. Cifairc , de S. Fidole , de S. Porcien , de S. Tré-*- vérins , de S, Eujïchius & de S. Léger , les mira. les da S, Juliin,
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24 UE L'ESPRIT DES LOIS,
trop crédules fur des chofes que Dieu a certainement faites, fi elles ont été dans l'ordre de fes deffeins , on ne laiffe pas d'en tirer de grandes lumières fur les mœurs & les ufages de ces temps-là.
Quand on jette les yeux fur les mo~ numens de notre hiftoire & de nos lois , il femble que tout efl mer , & que les rivages mêmes manquent à la mer (<z) v tous ces écrits froids , fecs , infipides &: durs, il faut les lire, il faut les dé- vorer , comme la fable dit que Saturne ■dévoroit les pierres.
Une infinité de terres que des hommes libres faifoient valoir (£), fe changèrent en main-mortabîes : quand un pays fe trouva privé des hommes libres qui l'habitoient, ceux qui avoientbeaucoup de ferfs prirent ou fe firent céder de grands territoires , & y bâtirent des vil- lages, comme on le voit dans diverfes chartres. D'un autre côté, les hommes libres, qui çultivoientles arts, fe trou- vèrent être des ferfs qui dévoient les exercer : les fervitudes rendoient aux arts & au labourage ce qu'on leur avoit ote.
(a) . . . Durant quoque tittoraPonto.Qvid.liv.1, {b) Les Colons mêmes n'étoient pas tous ferfs ; voyez la loi XVIU & XXIII , au cod. de agri<«lis fi» ztnfuis & fçlenis , & la XX i\\ nvèîTiS ÙUe,
Liv. XXX. Chap. XL 2?
Ce fut une chofe ufitée , que les pro- priétaires des terres les donnèrent aux: églifes pour les tenir eux - mêmes à cens , croyant participer par leur fer- vitude à la fainteté des églifes.
CHAPITRE XII.
Que les terres du partage des barbares nt payoient point de tributs.
^es peuples fimples , pauvres , li- bres , guerriers , parieurs , qui vivoient fans induftrie , & ne tenoient à leurs terres que par des cafés de jonc , fuivoient des chefs pour faire du butin , & non pas pour payer ou lever des tributs {a). L'art de la maltôte eft tou- jours inventé après coup, Sz lorfque les hommes commencent à jouir de la félicité des autres arts.
Le tribut paffager d'une cruche de vint par arpent , qui fut une des vexations de Chilplric èc de Frédégonde , ne con- cerna que les Romains (£). En effet, ce ne furent pas les Francs qui déchirèrent les rôles de ces taxes, mais les ecclé-
(a) Voyez Grégoire de Tours > l»vf II* {b) lbid% Uv. Y.
2,6 De l'esprit des Loisy
fiaiîiques, qui dans ces temps-là étoient tous Romains (a). Ce tribut affligea principalement les habitans (b) des vil- les : or les villes étoient prefque toutes habitées par des Romains.
Grégoire de Tours (c) dit qu'un certain juge fut obligé , après la mort de Chit- péric , de fe réfugier dans une églife ; pour avoir , fous le règne de ce prince, arTujetti à des tributs des Francs qui , du temps de Childeben , étoient in- génus ; Multos de Francis qui , tempore Childeberti régis , ingénia fuerant , publico tributo fubegit. Les Francs qui n'étoient point ierfs ne payoient donc point de rributs.
Il n'y a point de grammairien qui ne pâliffe , en voyant comment ce pafTage a été interprété par M. l'abbé Dubos(d)v Il remarque que, dans ces temps-là, les affranchis étoient aufîi appelles ingénus. Sur cela il interprète le mot latin ingenui
(e ) Cela paroît par toute l'hiftoire de Grégoire de Tours. Le même Grégoire demande à un certain Valfiliacus comment il avoit pu parvenir à la cléri- carure , lui qui étoit Lombard d'origine. Grégoire de Tours , liv. 8.
fb) Ç)uo. conditio univerfis urbibus per GalUam confit' tuùs futnmopcre efi adhibha. Vie de S. Aridïus.
(c) Liv. VIL
(d) EtablifTement de la monarchie Françoife , tomQ: lit. chap. xiv, page jij.
Liv. XXX. Chap. Xïf. v?
par ces mots , affranchis de tributs , ex- preffion dont on peut fe fervir , dans \k langue Françoife , comme on dit affran- chis de foins , affranchis de peines: mais,, dans la langue Latine , ingenui à tribu- ns , libertini à. tributis , manumiffî tribu- torum, feraient des expreïïions moni- trueufes..
Parthenius , dit Grégoire de Tours (,a) y penfa être mis à mort par les Francs , pour leur avoir impoié des tributs. M. l'abbé Dubos (7>), preffé par ce paf- fage , fuppofe froidement ce qui eir. en queftion : c'étoit , dit-il , une furcharge.
On voit, danslaloidesWiiigoths(c)„ que quand un barbare occupoit le fonds d'un Romain , le juge l'obiigeoit de le vendre, pour qvie ce fonds continuât à; être tributaire: les barbares ne payoient donc pas de tributs fur les terres {d).
(a) Liv. III, ch. xxxvt.
(b) Tome III, page ^4.
( c) Judices atquepnzpofui terras Romanorum , al Mis7 qui occupatas tenent , auferant ; & Romanis fuâ txac°~ liant, fine aliquâ dilationt rejî i tuant , ut nihil fifeo dt- beat deptrire. Liv. X , tit. 1 , ch. xiv.
(d) Les Vandales n'en payoient point en Afrique. Procopt , guerre des Vandales, liv. I &II; Hiftoria mifceïla , liv. XVI, page 106. Remarquez que les. conquérans de l'Afrique étoient un c:mpofé de Van- dales , d'Alains & de Francs, Hijioria mijcclla, liv9. XIV , page 94,
18 DE L'ESPRIT DÉS LOIS,
M. l'abbé Dubos {a) , qui avoit befoin que les Wifigoths payaffent des tributs , quitte le fens littéral &c fpirituel de la loi (i>) ; & imagine , uniquement parce qu'il imagine , qu'il y avoit eu , entre l'établiffement des Goths & cette loi , une augmentation de tributs qui ne ccn- cernoit que les Romains. Mais il n'eft permis qu'au père Hardouin d'exercer ainfi fur les faits un pouvoir arbitraire.
M. l'abbé Dubos (c) va chercher, dans le code de Juftinien {d~) , des lois , pour prouver que les bénéfices militaires chez les Romains étoient fujets aux tributs : d'où il conclut qu'il en étoit de même des fîefs ou bénéfices chez les Francs. Mais l'opinion , que nos fiefs tirent leur origine de cet établiffement des Ro- mains eff aujourd'hui profcrite : elle n'a eu de crédit que dans les temps oit l'on connoifToit l'hiffoire Romaine ÔC très-peu la nôtre, & oii nos monumens
(a) Etabliffement des Francs dans les Gaules, tom. III, chap. xiv , page jio
(b) 11 s'appuie fur une autre loi des Wifigoths,' liv. X , tit. i , art. ii , qui ne prouve absolument rien : elle dit feulement que celui qui a reçu d'un feigneur une terre, fous condition d'une redevance» doit la payer.
(c) Tome III, page 51t. {d) Legs III, tu, 74, UhXJ,
Liv. XXX. Chap. XII. 29
anciens étoient enfevelis dans la pouf- fiere.
M. l'abbé Dubos a tort de citer Caf- fiodore , 6c d'employer ce qui fe paffoit en Italie , & dans la partie de la Gaule foumife â Théodoric , pour nous ap- prendre ce qui étoit en ufage chez les Francs ; ce font des chofes qu'il ne faut point confondre. Je ferai voir quelque jour, dans un ouvrage particulier, que le plan de la monarchie des Oftrogoths étoit entièrement différent du plan de toutes celles qui furent fondées dans ces temps-là par les autres peuples barba- res : & que, bien loin qu'on puifle dire qu'une chofe étoit en ufage chez les Francs , parce qu'elle l'étoit chez les Oftrogoths , on a au contraire un jufte fujet de penfer qu'une chofe qui fe pra- tiquoit chez les Oftrogoths ne fe pra- tiquoit pas chez les Francs.
Ce qui coûte le plus à ceux dont l'ef- prit flotte dans une vafte érudition , c'eft de chercher leurs preuves là où elles ne font point étrangères au fujet, & de trouver , pour parler comme les aftronomes , le lieu du foleil.
M. l'abbé Dubos abufe des capitulai- res comme de l'hiftoire , de comme des
30 De l'esprit des Lors*
lois des peuples barbares. Quand i! veut que les Francs ayent payé des tributs , il applique à des hommes li- bres ce qui ne peut être entendu que des ferfs (a) ; quand il peut parler de leur militaire , il applique à